Robuchon au Figaro : « La cuisine végétarienne sera celle des dix prochaines années. Je veux être là »

20 août 2014
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Presse & Médias

F&S Le chef Joël Robuchon aime de plus en plus les légumes et le fait savoir, un peu dans l’esprit de son compère Alain Ducasse, il prône le moins de sucre, le moins de gras, le plus naturel … Robuchon va même plus loin dans l’avenir la cuisine se jouera autour d’un panier de légumes, sans tomber dans le végétarien, le chef explique sa passion retrouvée pour les légumes et sa nouvelle philosophie culinaire orienté vers cette idée qu’une cuisine simple et naturelle est bonne pour la santé… à F&S on valide et on adhère !

Retrouvez ci-dessous des extraits de  l’interview du chef réalisée par F. Simon pour le Figaro.

Cliquez sur le LINK pour retrouver l’article dans on intégralité.

Joel Robuchon pour Le Figaro

Joël Robuchon : « Je recommence à zéro ! »

INFO LE FIGARO – Le célèbre chef multiétoilé livre un constat décapant sur la gastronomie d’aujourd’hui. Et présente pour la première fois son projet de restaurant à orientation végétarienne, qui ouvrira à Bombay, fin 2014.

LE FIGARO - On peut dire que les légumes ont fait un long voyage depuis votre apprentissage…

Joël ROBUCHON - On les considérait comme une garniture. On retirait même ce qu’il y avait de plus intéressant, de meilleur. On réalisait alors ce qu’on appelait des légumes «tournés». C’était presque ma spécialité : les tailler en sept côtés égaux comme un ballon de rugby: carottes, pommes de terre, navets… Le répertoire s’arrêtait là avec les champignons, les choux, les haricots verts et les épinards, trop cuits, que nous rafraîchissions dans beaucoup trop d’eau glacée.

 

Paradoxalement, le plat icône de votre carrière reste la fameuse purée!

La pomme de terre à cette époque (1981) se faisait à la vapeur ou à l’anglaise (cuite à l’eau). J’ai pensé la présenter en purée onctueuse avec une tête de cochon. Au début, j’opérais avec des bintjes. Puis, après un banc d’essai réalisé pour la revue de Philippe Simon, La Bonne Cuisine, avec Pierre Perret, nous sommes tombés sur la ratte. Ce fut une révélation, avec son goût de châtaigne. Au fil du temps, j’ai juste réduit l’importance du beurre. Pour un kilo de pommes de terre, j’étais à 300 grammes ; je suis passé à 200. Pareil pour le sucre, je réduis. Pour un litre de glace à la vanille, nous tournions autour des 300 grammes, on vient de passer à 180 grammes !

 

Aujourd’hui, vous nous annoncez une ouverture intrigante à Bombay. Qu’allez-vous y faire?

Mon constat est simple. C’est maintenant que se jouent les dix prochaines années. Elles s’appuieront sur la santé, et en cela, la cuisine végétarienne sera l’un des axes de cette évolution. Je veux être là. Voilà pourquoi, malgré l’avis de mes proches collaborateurs, j’ai décidé d’ouvrir un Atelier à Bombay à la fin de l’année. J’ai besoin d’apprendre leur cuisine et de suivre leur talent pour jouer avec les légumes et les épices. On n’imagine pas combien un simple plat de lentilles, de pois chiches, de courgettes ou de soja peut être grand… Aujourd’hui, je suis un apprenti, je recommence à zéro.

« La cuisine végétarienne sera celle des dix prochaines années. Je veux être là » Joël Robuchon

 

Les épices ont-elles modifié votre cuisine?

Oui, j’en prends conscience en constatant combien le sel effectue un repli dans la cuisine d’aujourd’hui. On constate aussi l’arrivée du «piquant», et les crustacés en sont les premiers bénéficiaires. Les cuisines du monde entier participent à ce mouvement. Je pense aussi à la cuisine marocaine et à ses superbes nuances de cannelle, cumin, coriandre, paprika… Ma cuisine s’est laissé imprégner avec plaisir de tous les continents : curcuma, gingembre, wasabi, citronnelle…

 

La cuisine végétarienne est-elle la panacée?

Bien sûr que non. Je crains que là, hélas, nous ne connaissions de sérieux problèmes. Souvenez-vous de cette his­toire de germes biocontaminés il y a deux ans en Allemagne. Il y a trop de pesticides dans ce domaine.

 

Est-elle vraiment de la gastronomie?

Oui, regardez ce que font Alain Passard et Frédéric Anton avec une simple betterave. Le tout, c’est de ne pas s’enfermer dans la haute gastronomie et ses prix astronomiques, mais de rester sur terre. À l’image de ce que nous avons fait dans les Ateliers créés il y a dix ans: de la haute cuisine abordable avec un service convivial. Pas besoin de se compliquer la vie et de multiplier les prix par trois (étoiles).

 

La cuisine doit-elle être locavore?

Vous voulez dire cuisiner seulement ce qui se trouve à proximité de chez soi? Je n’ai pas franchement d’opinion là-dessus. Sauf que si je cuisinais à Valenciennes, cela me rendrait très triste de ne pouvoir utiliser le beurre de Normandie, de Bretagne ou du Poitou, l’huile d’olive d’Espagne ou d’Italie, et de ne pas cuisiner l’agneau des Alpilles, les poissons et coquillages de Bretagne, les asperges de Pertuis, les oranges de Sicile…

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Vous qui voyagez sans cesse aux quatre coins du monde, y a-t-il une approche différente en matière de légumes?

En Californie, ils sont magnifiques, beaux et gros mais n’ont pas beaucoup de goût. C’est là que l’on se rend compte qu’en France nos légumes sont exceptionnels. En Chine, ils sont traités dans des bains et l’on n’a pas toujours les résultats recherchés ; mais c’est ici que j’ai appris la notion de texture, un passage majeur dans ma cuisine…

 

« L’art de la cuisine, qui transcende les produits de la terre et de la mer, et l’art de la médecine, qui soulage et guérit grâce à ces mêmes produits, sont également indispensables à la vie » Joël Robuchon

 

Quelle est la cuisson juste pour un légume: étuvée, eau, sous vide, poêlée, grillée, marinée…?

Avant même de les cuire, le lavage est important. Il peut entraîner des pertes nutritionnelles et aussi de saveurs. Ne jamais les laisser tremper trop longtemps dans un grand volume d’eau ! À chaque préparation est associée une technique. L’idéal est de privilégier celle qui concilie à la fois un temps réduit et une absence de contact du légume avec le liquide de cuisson.

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Les interdits alimentaires ont-ils modifié la cuisine mondiale?

La liste des produits à éviter s’allonge chaque jour. Aux États-Unis, pas de lapin, ni de poisson entier avec la tête. On oublie les canards gavés pour le foie gras, les oiseaux. Pareil pour le chevreau de mon Poitou natal ; ils disparaissent de la table. Le bœuf connaît une traçabilité laborieuse et les dernières histoires n’arrangent rien, sans parler du cheval. Question poisson : le thon est en réserve. Et il y a aussi les quotas et réglementations sur la taille des soles, des bars, de la morue, du merlan… également sur la saint-jacques. L’élevage pose des soucis avec le retour des farines animales. Du coup, les légumes ont un avenir devant eux.

 

La santé sera-t-elle un axe majeur?

Définitivement. Je travaille ainsi avec Nadia Volf, une sommité dans l’acupuncture et la nutrition. J’apprends tous les jours l’importance des produits naturels. L’apport de la chlorophylle dans une simple coupe de champagne vous booste pour la journée, un jus de grenade fraîche fait tomber le taux de PSA (antigène spécifique de la prostate)… Je pourrais en parler des heures et en faire un livre. Du reste, je vais en faire un avec elle. L’un et l’autre sommes tombés d’accord sur un point essentiel : l’art de la cuisine, qui transcende les produits de la terre et de la mer, et l’art de la médecine, qui soulage et guérit grâce à ces mêmes produits, sont également indispensables à la vie. Ils peuvent s’allier pour atteindre une meilleure efficacité ! On a besoin d’être guidé, de manger sainement, c’est ce qu’attend aujourd’hui la clientèle. Plus de plats sophistiqués, mais des plats simples, compréhen­sibles: un poulet rôti avec des légumes de printemps, voilà ! Les clients l’identifient immédiatement et en réclament !

 

La cuisine végétarienne arrive donc, qu’est-ce qui est fini, du coup?

La cuisine moléculaire, qui est allée trop loin avec ses additifs. Les gens ont besoin d’être rassurés, aujourd’hui. Même les jeunes ne souhaitent plus être étonnés à tout prix… Mais vous savez, la cuisine fonctionne par cycles. Nous quittons la cuisine sophistiquée pour aller vers plus de sagesse, ensuite ça tournera encore. La simplicité reste l’un des plus durs des challenges. Je rêve de voir le concours du Meilleur Ouvrier de France se jouer autour d’un panier de légumes!

 Crédit photo : Jean Paul Guiloteau/Express-Rea

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8 commentaires pour “Robuchon au Figaro : « La cuisine végétarienne sera celle des dix prochaines années. Je veux être là »”

  1. Jean-maximilien

    20. août, 2014

    Bravo. tres belle interview et grand chef!

  2. combescot

    22. août, 2014

    Même si la cuisine fonctionne par cycle comme dit Joël robuchon, je crois que c est un cycle qui va être long car c est tout notre univers qui est en plein changement.

  3. LAYACHI

    25. août, 2014

    J’adhere totalement aux propos de Joël…c’est la cuisine que je réalise depuis 40 ans sans aucun soutien des guides culinaires et des médias à la mode…mais avec celui de mes clients heureusement, et de ma conscience…Après la « découverte » du bio, j’espère qu’on comprendra enfin que le plaisir du goût pour être juste est indissociable de celui de la santé!

  4. Jacques

    28. août, 2014

    Globalement d’accord avec Mr Robuchon, dommage qu’il ne connaisse pas les excellents produits du Nord Pas de Calais
    Le beurre de la Thiérache, les asperges de Raimbeaucourt, les poissons et crustacés de la Côte d’Opale etc…

  5. G

    06. sept, 2014

    Les grands chefs se mettent à surfer sur la vague végétarienne quand des chefs moins connus proposent depuis pas mal de temps déjà de manger végétarien ou vegan avec des produits frais bio, avec une superbe cuisine. Et ça à votre domicile ou en livraison. Regardez le site de ce jeune chef sur « Vegga-Bio.com ». Une merveille des yeux et des papilles.

  6. […] et de nouvelles habitudes. On peut aussi inventer une nouvelle gastronomie! Il y a des grands chefs végétariens et végans. L’économie et les traditions culturelles ne sont pas des arguments logiques et fondés car […]

  7. Nom (requis)

    19. mar, 2016

    Très bien mais faites nous un livre nous l’attendons avec impatience! Merci

  8. lenda

    22. oct, 2016

    Moi c’est pas vraiment un commentaire mais des suggestions et du coup des questions à des chefs (ou pas) cuisiniers :

    L’avocat pourrait-il être l’avenir du foie gras végétarien en le parfumant subtilement avec une marinade extra par exemple ? mais laquelle pour lui donner un super bon goût ?

    A quand les recherches pour créer un saucisson sec végétarien super bon ?

    La charcuterie végétarienne souvent bonne mais pas tellement ressemblante à la française, peut-être parce-que les français travaillent peu le végétarien avec la fameuse gastronomie ancestrale… Si ça se trouve les asiatiques seraient capable de créer un saucisson sec même si ce produit n’est pas dans leur culture gastronomique.

    (sachant que l’idée n’est pas de copier la cuisine carnivore mais de s’en inspirer pour obtenir aussi bon ou mieux encore…)

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