Découvrez le Chef René Redzepi sur France2 dans le magazine  » Envoyé Spécial  » jeudi 8 septembre

06 sept 2011
Catégorie : Chefs, Presse & Médias

Retrouvez René Redzepi sur France 2 dans l’émission  » Envoyé Spécial  » ce jeudi 8 septembre.


ART CULINAIRE

Naissance d’une tempête

Le meilleur restaurant du monde est aménagé dans un ancien entrepôt de Copenhague. René Redzepi, le jeune chef qui a conduit l’établissement au sacre, livre le secret de son inspiration. par Catherine BELIN

 » Au pénis du cachalot » ou bien « A la baleine grasse ». C’est ainsi que le microcosme gastronomique danois avait surnommé, pour s’en moquer, la table la plus chic de la ville, à peine quelques mois après son ouverture. Mais le vent a tourné lorsque le classement mondial pour la revue anglaise Restaurant a été publié en avril dernier : le Noma de Copenhague est bel et bien élu « meilleur restaurant du monde » pour la deuxième année consécutive. Il succède à El Bulli, du catalan Ferran Adrià, qui avait su préserver son titre pendant quatre ans avant de se retirer cet été du circuit pour monter une fondation de recherche culinaire.

L’aventure du Noma – acronyme des deux mots danois nordisk (pays nordiques) et mad (nourriture) – débute il y a huit ans, avec le projet d’un centre d’art et de culture nordique qui doit être flanqué d’un restaurant installé dans un ancien entrepôt de Copenhague. Claus Meyer, critique gastronomique et homme d’affaires, prend en main la création de l’établissement gastronomique, tenu de refléter l’esprit scandinave. Il invite un jeune cuisinier à le rejoindre, René Redzepi. 25 ans tout frais. Le garçon est passé par El Bulli, par Le Jardin des Sens des frères Pourcel à Montpellier, par le French Laundry dans la région de San Francisco et le Kong Hans à Copenhague.

Au mois d’août 2003, la petite équipe embarque pour un voyage de dix-sept jours qui la conduira à travers le Danemark, puis des îles Feroé au Groenland. Le but consiste à dénicher des fournisseurs, des produits, des éléments de décor et accessoirement un nom pour le futur restaurant. Le périple devient une quête initiatique. Redzepi, que l’école ennuyait profondément, décide de tenir un journal afin de garder en mémoire les sensations nouvelles auxquelles il se confrontera. L’ouvrage hors du commun, édité par Phaidon – qui avait déjà commis Une Journée à El Bulli –, en publie l’intégralité. Ce carnet de voyage trahit un être exceptionnellement sensible au langage de la nature. Redzepi raconte l’accueil de leur guide-poète sur les îles Feroé, la rencontre avec Gunnar le marin avec qui ils vont décortiquer des langoustines vivantes et mordre dans leur chair palpitante. Cette fois, l’extrémisme de l’expérience fait jaillir les larmes, la peur se mêle à l’intensité de l’émotion. Le jeune homme décrit des visites d’étonnantes brasseries artisanales, de poteries d’artistes, d’usines de salage de poisson aux odeurs insupportables. Il parle de rencontres poignantes avec un pêcheur d’oursins, un tanneur, un sculpteur… Resteront à jamais le goût de la tisane aux herbes épicées concoctée sur la base d’une vieille recette viking, l’étrange acidité du skir (une sorte de fromage blanc millénaire). Et, surtout, la saveur des amitiés nouées.

Lorsque René Redzepi revient à Copenhague, il se lance dans ce qu’il appelle la « tempête absolue », expression des marins pour décrire les éléments déchaînés, lorsque mer et ciel se confondent. Car diriger un restaurant nécessite de penser à tout, tout le temps, depuis l’élaboration de la carte et le recrutement du personnel, jusqu’à l’emplacement des poubelles ou aux abonnements téléphoniques.

René Redzepi maîtrisait déjà les techniques les plus audacieuses, il connaît désormais les ingrédients et les fournisseurs (dont il brosse de sensibles portraits dans l’ouvrage). Il peut jouer l’épate. Pourtant, les attaques fusent, ses collègues danois raillent l’idée qu’on puisse transposer une cuisine contemporaine avec des produits aussi rustiques que ceux des régions de l’Atlantique Nord. Du seigle, du raifort, du vinaigre ; des poissons et des viandes salés, fumés ; des baies, des champignons, des racines, des algues, des joncs, de l’ail sauvage, des écorces, des sèves, du foin. Des bœufs musqués aux allures de bisons. René Redzepi est près de baisser les bras, ce perfectionniste vit ces critiques comme un drame.

Il repart quelques jours au Groenland, cette fois pour ses premières vraies vacances. Face à l’immensité du paysage, au silence, au vent qui couche les herbes hautes, au jour interminable, il trouve la clef qui donnera une âme à son restaurant. « J’ai compris que je devais mieux exploiter les saisons. Il nous fallait explorer les ressources naturelles dans leurs moindres recoins. Les clients du restaurant devaient ressentir cette impression de temps et d’espace au plus profond d’eux-mêmes », écrit-il. Si la saison est au gibier, alors il sera servi avec des escargots, des champignons, des pousses de pin. « L’impression de prétention avait disparu, nous étions dans la justesse.»

Pour parvenir à relever le défi, le chef s’oblige à « oublier » ce qu’il a appris chez ses maîtres. La plus talentueuse cuisine du moment n’est plus moléculaire, elle est « recontextualisée ». C’est-à-dire que chaque produit est travaillé à l’instant de sa maturité et avec les éléments de son habitat. Autant dire une révolution, comme si l’art brut succédait à l’abstraction lyrique.

Les Danois, qui n’auraient pas parié une couronne sur l’intérêt gustatif de leur production, sont aujourd’hui fiers de cette renommée qui s’étend à travers toute l’Europe. D’autres cuisiniers ont emboîté (plus modestement) le pas du Noma, et les restaurants français, italiens, indiens ou chinois voient arriver de nouveaux concurrents qui avancent sans rougir une carte totalement scandinave.

Noma, le temps et l’espace dans la cuisine nordique, par René Redzepi (Phaidon).

Jeudi 8 septembre à 20 h 30, sur France 2,

L’émission Envoyé spécial sera consacrée à René Redzepi.

Source : www.republicain-lorrain.fr/actualite/2011/09/04/naissance-d-une-tempete

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