À L’Élysée : une pizza devant la télé – c’est possible et normal -

27 déc 2013
Catégorie : Chefs

F&S C’est le mag L’Express en ligne qui publie une longue interview de l’ancien chef Bernard Vaussion qui a pris sa retraite des cuisines du Palais de L’Elysée depuis quelques semaines. Nous avons relevé pour vous quelques extraits qui vous plongent dans les coulisses des chefs d’États. Cuisine normale et pizza devant la télé …

Pour retrouver l’interview dans son intégralité, cliquez sur le LINK.

Bernard Vaussion

Une révolution de palais…

La difficulté, à l’Elysée, c’est que le menu doit changer tous les jours, ce qui n’a rien à voir avec les contraintes d’un restaurant. Le président étant notre unique client, il faut se renouveler chaque jour. On peut éventuellement représenter un plat au bout d’une semaine, mais les garnitures et la préparation devront forcément être différentes – il ne faut pas laisser s’installer l’impression de déjà-vu. Il faut surprendre. Et puis, à la partie officielle s’ajoute la partie privée, ce qui augmente le besoin de variété : lorsque le président bascule dans sa vie familiale, il faut également lui faire des propositions de menu originales.

Votre charge de travail s’est-elle réduite du fait que les présidents ne résident plus à l’Elysée ?

Oui, mais c’est récent. Jacques Chirac résidait à l’Elysée à temps plein et s’y trouvait souvent le week-end. C’est le  président qui nous a donné le plus de travail… Quoi qu’il en soit, la soirée est beaucoup plus  » relax » que la journée. Les menus ne sont pas très compliqués, mais il faut tout de même faire plusieurs propositions. C’est le président ou son épouse qui choisissent. On arrive facilement au poulet rôti accompagné de pommes sautées. Au gré des envies, nous pouvons aussi préparer des coquillettes avec du jambon, une choucroute ou une pizza. Comme chez tout le monde.

Le président qui a envie de regarder un film à la télé en dévorant une pizza, ça existe ?

Bien sûr. Heureusement; c’est décontracté, les présidents ont aussi besoin de faire des repas tout à fait normaux.

Que faisiez-vous pendant les vacances du président ?

Il fallait suivre, mais on arrivait à réaliser une cuisine beaucoup plus détendue, à base de poissons, pêchés la veille ou le matin même. De nombreuses salades, des grillades, des tians de légumes, des anchoïades… C’était l’heure provençale, très appréciée des présidents, loin de la routine de l’Elysée. Cela dit, tout restait fabriqué sur place, y compris les desserts et les glaces.

Est-ce que certains hôtes étrangers vous ont souvent compliqué la tâche ?

Il fallait évidemment tenir compte de certains goûts, d’éventuelles allergies ou d’interdits religieux. Mais j’étais directement informé par les cuisiniers des invités concernés.

Avez-vous dû cuisiner à partir de viande halal pour certains invités officiels musulmans ?

Oui, cela m’est arrivé. J’ai dû aller acheter de la viande halal et j’ai gardé les certificats au cas où on me les demanderait. De même, pour des convives israéliens, il a fallu plusieurs fois tenir compte des règles de la cacherout, ne pas mélanger laitages et viandes et admettre la présence d’un rabbin en cuisine.

Mais nous avons toujours conservé des recettes françaises, tout au plus avons-nous parfois ajouté une épice particulière, comme un clin d’oeil ou une politesse à l’égard de l’invité. De la même manière, l’Elysée n’a jamais servi d’autruche ou de viande de provenance étrangère, parfois à la mode dans les restaurants.

Y a-t-il une cuisine propre aux dictatures ?

Non, mais j’ai dû parfois admettre la présence d’une personne chargée de la sécurité dans les cuisines. Les craintes sont plus grandes dans certains Etats, qui exigent une présence sécuritaire autour des fourneaux, que dans d’autres. Néanmoins, il est intéressant de noter que toutes ces dérogations ont complètement disparu et que la cuisine est maintenant réalisée en toute liberté. Les derniers à effectuer une surveillance de principe restent les Américains, mais ils n’ont pas pour autant de goûteurs.

Vous est-il arrivé d’être appelé par le président en présence d’un hôte étranger pour être félicité ?

Non, ça ne se fait pas du tout, nous sommes et restons des gens de l’ombre. Seule Mme Merkel, qui adore la façon dont nous préparons les légumes à l’Elysée, a souhaité me rencontrer. Elle a ensuite demandé à M. Sarkozy si elle pouvait nous envoyer son propre chef pour un stage. Je l’ai reçu pendant huit jours pour lui donner mes conseils.

Quel est donc ce secret ?

Les légumes sont cuits dans un fonds blanc, à base de volaille, plutôt qu’à l’eau, tout simplement.

Vous avez visité 40 pays étrangers et traversé toutes les cuisines. Qu’est-ce qui, selon vous, continue de distinguer le patrimoine français ?

Les produits français restent exceptionnels ; leur qualité est unique. On parle beaucoup des chefs, à juste raison, mais il y a aussi toute une génération de cultivateurs qui redécouvre sans cesse les saveurs de la terre. La vraie star, c’est le produit ! Nous ne sommes que des interprètes.

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