Hélène Darroze …  » La Cuisine de famille en Héritage « 

27 déc 2014
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Presse & Médias

F&S  On continue avec les interviews de chefs sur L’Humanité.fr, après Anne-Sophie Pic et Thierry Marx c’est au tour de la chef parisienne Hélène Darroze de parler de ses racines familiales, de la façon dont elle s’est construite… Rendez-vous émotion et sincérité…

Hélène Darroze : « Avec la cuisine, je veux raconter une histoire, une émotion »

darroze

Des chefs et des combats par Caroline Constant

Son arrière-grand-père avait déjà fondé un célèbre restaurant, le Relais, dans 
les Landes. Hélène Darroze parle de son héritage familial, fondé sur le partage, 
la transmission et les produits du terroir.

 

Quand on vient d’une famille comme 
la vôtre, la cuisine est une potion dans laquelle on tombe tout petit ?

Hélène Darroze Aujourd’hui, sur les douze petits-enfants de mon grand-père, nous ne sommes plus beaucoup à évoluer dans ce milieu. Ma mère raconte que, toute petite, alors que je savais à peine marcher, j’avais le bon geste pour goûter la sauce béchamel. Il doit y avoir une part d’atavisme ! Mais c’est en effet le milieu dans lequel nous avons grandi, le restaurant de mon grand-père, qui nous a façonnés : les paysans, les pêcheurs, les chasseurs amenaient leur marchandise tous les jours dans la cuisine. Enfant, j’ai baigné dans ce monde-là, traîné sur les marchés. J’ai commencé à cuisiner très tôt, vers cinq-six ans. J’ai commencé par la pâtisserie, par une tarte aux pommes dont je me souviens très bien ! C’est venu très instinctivement aussi. Mes deux filles, Charlotte et Quitterie, font de même, aujourd’hui, à la maison. Et elles adorent traîner au restaurant !

Vous n’avez pas fait des études de cuisine…

Hélène Darroze J’ai fait Sup de Co Bordeaux. Au milieu des années 1980, les préjugés étaient encore tenaces. À cette époque, une femme n’avait pas sa place en cuisine. C’était clair, net, définitif. Dans la tête de papa, c’était mon frère qui allait être cuisinier, reprendre l’affaire familiale. Pas moi. La cuisine, même si c’est malheureux à dire, était alors une voie de garage. On n’y entrait pas par passion, mais parce qu’on était en échec à l’école. Donc on ne se lançait pas dans la cuisine si on était bon(ne) élève, ce qui était mon cas. C’est idiot, mais c’était comme ça.

Ça a un peu changé, aujourd’hui, non ?

Hélène Darroze Il pourrait à mon sens y en avoir beaucoup plus. Mais c’est un métier qui demande beaucoup de sacrifices. J’ai souvent eu des jeunes femmes dans mes brigades, qui étaient très douées, qui pouvaient même aller très loin. Mais elles ont préféré, à un moment donné, fonder une famille. Et j’aurais peut-être suivi le même chemin si, à trente ans, j’étais tombée amoureuse. Je suis une maman célibataire. Et avant quarante ans, cela aurait été assez difficile. Parce que je faisais beaucoup d’heures et que je n’avais pas encore assez bien formé les équipes pour me sentir prête à déléguer. Et puis, cette vie a un coût. Je travaille de 8 heures le matin à minuit le soir. 
Je vous avoue qu’entre mon métier et mon rôle de maman, il n’y a plus beaucoup de place pour moi, pour ma vie de femme. J’ai la chance d’avoir, à Paris comme à Londres, des équipes formidables, même si je suis toujours dans la culpabilité de ne pas être ici ou là, plus par devoir que par nécessité d’ailleurs. Par exemple, je n’ai jamais fêté Noël à la maison depuis que mes petites filles sont là. Car mon équipe, elle, est en cuisine. Le partage est aussi avec 
la brigade, dans l’adversité comme dans la solidarité. D’ailleurs, ce sont des moments formidables.

Comment vous êtes-vous raccroché aux wagons de la cuisine ?

Hélène Darroze À un moment, on est assez mûre pour se dire qu’il faut se donner les moyens de vivre sa passion. Alain Ducasse a eu un rôle assez important, parce que c’est lui qui m’a vraiment décidée. Je n’avais aucune technique, je n’en ai toujours pas d’ailleurs. La cuisine, pour moi, c’est un moyen d’expression pour dire qui on est. Je ne veux pas démontrer un savoir-faire, des techniques, je veux raconter une histoire, une émotion.

Avec vos livres, votre objectif, c’est de dire : « Cuisinez, 
vous montrerez qui vous êtes » ?

Hélène Darroze Il n’y avait pas tant de calcul ! Mon premier livre racontait l’histoire d’une passion amoureuse. J’ai illustré la palette de sentiments que peut ressentir une femme amoureuse par des recettes. C’était un peu autobiographique. Le deuxième, sur les recettes de grands-mères, est venu quand je suis devenue maman à mon tour. J’avais envie de leur rendre un hommage, de dire que si je suis devenue celle que je suis, c’est grâce à elles. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir cette famille. C’était vraiment la notion du partage, avec elles, une transmission très naturelle. Quand j’écrivais, ça a été un plaisir de partager avec ma petite Charlotte mon enfance, ce que j’avais appris, vu, goûté.

Ces produits dont vous parlez sont aussi ceux que vous cuisinez. C’est aussi votre héritage ?

Hélène Darroze Je suis effectivement très attachée à mes racines. Tous mes produits ont une histoire, qui est liée à ce que j’ai vécu enfant. La transmission, elle s’est faite automatiquement, autour d’une grande table, où il y avait beaucoup de monde. Où nous étions tous heureux d’être là, de partager. Ma madeleine de Proust, c’est un simple poulet rôti : c’était le repas du dimanche soir, préparé par ma grand-mère, partagé avec mes grands-parents et mes parents, qui travaillaient toute la journée au restaurant. Ma grand-mère préparait aussi ses fameux beignets aux pommes. Elle nous régalait, certes. Mais elle savait aussi que nous allions partager un moment à peler les pommes, autour de la table, avec elle…

Mots clés: ,

Un commentaire pour “Hélène Darroze …  » La Cuisine de famille en Héritage « ”

  1. michou

    02. jan, 2015

    on dirai Nicolas Lebec sur la photo.

Laisser un commentaire