Ducasse de A à Z sur le Figaorscope

13 sept 2014
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs

F&SLe chef A. Ducasse Rédac chef de cette semaine sur le Figaroscope… Un A à Z qui vous permettra de mieux connaître un personnage atypique de la gastronomie française….

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Alain Ducasse de A à Z

ALAIN DUCASSE AU PLAZZA ATHENEE

Intarissable, il l’est. Sur son métier, sur ses envies, sur ses lubies. Le chef du Plaza nouvelle version, fraîchement inauguré, n’en pèse pas moins ses mots. Et ce avec la méticulosité d’un homme de précision. Rédacteur en chef de ce numéro spécial, Alain Ducasse a accepté de se laisser guider par l’alphabet. Tour du monde en 26 lettres de ses passions et de sa philosophie.

A comme aéroport

Oui, je voyage. Mais, pendant mes déplacements, je passe beaucoup plus de temps à rencontrer des producteurs locaux, à visiter des marchés, à goûter des produits, à échanger avec les chefs locaux et, bien sûr, à travailler avec mes équipes qu’à musarder dans les aéroports. Bref, je me consacre à mon métier de cuisinier du XXIe siècle.

B comme Big Apple

J’ai une relation très forte avec New York. J’y suis allé pour la première fois en 1976. Je travaillais alors chez Michel Guérard, auquel Régine avait demandé de s’occuper de la carte de son Club. J’avais fait partie du voyage. Grande découverte pour un jeune homme de 20 ans! Bien des années plus tard, la ville a encore joué un rôle très important dans ma vie, puisque j’ai rencontré celle qui devait devenir ma femme sur un vol Paris-New York. Cette relation très intime avec New York, je la raconte dans J’aime New York (Alain Ducasse Édition, 2012).

C comme Collections

Je collectionne les malles et les valises ; je collectionne les moules à gâteau. Mais la collection dont je suis le plus fier, c’est celle des aubergistes et restaurateurs de la marque Châteaux & Hôtels Collection. Nous dénichons chaque adresse comme des chineurs à la recherche de la perle rare. Le résultat est une collection unique de maisons qui ont une âme.

D comme Destin

Derrière ce mot, j’entends «fatalité» et «renoncement». Donc il ne me plaît pas.

E comme Étoiles

Les étoiles font briller les yeux. Celles qui sont au firmament sont toujours belles. Celles des guides sont plus éphémères. Les deux m’intéressent. J’ai travaillé par exemple pour l’Agence spatiale européenne, qui voulait des repas d’exception afin que les astronautes de la Station spatiale internationale puissent célébrer les moments forts de leur mission.

F comme Faim

Le paradoxe: le restaurateur d’aujourd’hui nourrit des gens qui n’ont pas faim. D’où les trésors de talent et de créativité qui sont déployés pour exciter leur appétit. Reste, dans les pays pauvres, les cohortes de ceux qui ont vraiment faim ou souffrent de malnutrition.

G comme Globalisation

Mon approche de la cuisine est «glocale». C’est-à-dire globale dans la vision de mon métier et locale dans son exercice.

H comme Harmonie

Harmonie des ingrédients de la recette, harmonie du contenu et du contenant… Je n’ignore pas l’intérêt des contrastes – ils évitent l’ennui en créant des surprises. Encore faut-il les manier avec délicatesse. Dans mon restaurant du Plaza Athénée, pour accompagner le homard, je propose par exemple une soupe de melon. Les deux produits n’ont apparemment rien à voir et pourtant leur rapprochement fonctionne à merveille.

I comme Impatient

Ce défaut est une très belle qualité. Être impatient, c’est ne pas supporter les hésitations, ne pas se satisfaire des délais, ne pas supporter les approximations. Bref, c’est travailler mieux et plus vite. Exactement ce que je recherche.

J comme Japon

Tout, dans la cuisine japonaise, me passionne. À commencer par son histoire, qui est largement aussi ancienne que celle de la cuisine française. La cuisine japonaise est également fascinante parce que tout y a un sens: chaque produit, chaque combinaison d’ingrédients, chaque mode de préparation, chaque contenant est chargé d’évocation et possède une signification. Et puis le cuisinier japonais a une précision extraordinaire qui lui permet d’atteindre une qualité esthétique remarquable.

K comme Ketchup

Le ketchup est comme l’emblème de la nourriture populaire d’aujourd’hui. De ce point de vue, la floraison de la street food marque un tournant tout à fait important. On s’aperçoit que la commodité et la rapidité cherchent à se réconcilier avec la qualité. Ce mouvement m’intéresse. Et, au passage, je précise que j’adore le ketchup dont j’ai mis au point ma propre recette.

L comme Légumes

Un souvenir d’enfance: pour préparer le repas, ma grand-mère m’envoyait ramasser les légumes dans le potager de la ferme familiale. Bien plus tard, à Monaco, j’ai découvert les légumes exceptionnels de la Riviera. J’ai tenu à les mettre à l’honneur et, le 25 mai 1987, j’ai créé le menu «Jardin de Provence» au Louis XV, mon restaurant de Monaco. Aujourd’hui, les légumes font partie, avec les céréales et le poisson, de la trilogie de produits qui inspirent ma cuisine du Plaza Athénée.

M comme Manies

Je grignote. Je goûte tout ce qui me passe à portée de main. Et puis j’ai quelques autres manies que mes collaborateurs connaissent bien. Par exemple, j’examine toujours les ourlets du linge de table. Parce qu’ils ne se voient pas mais qu’ils sont un excellent indice de la qualité.

N comme Nature

Avant la cuisine, il y a la nature. C’est le point de départ de tout, et le cuisinier, qui est un passeur entre la nature et le mangeur, le sait bien. La nature est ma source inépuisable d’inspiration. C’est aussi un sujet de préoccupation. Il faut remettre la nature dans l’assiette, c’est-à-dire tout simplement, déjà, commencer par arrêter de manger des fraises au mois de décembre.

O comme Ouvrier

Nous avons en France un diplôme tout à fait particulier: «Un des Meilleurs Ouvriers de France». Les artisans, auxquels il est destiné pour sanctionner l’excellence de leur savoir-faire, le surnomment le «MOF». Son intitulé est merveilleusement modeste puisqu’il ne dit pas que celui qui l’obtient est «le meilleur» mais «un des meilleurs». Cette humilité reflète bien l’état d’esprit de nos corporations qui, tous les jours, à l’abri des projecteurs de l’actualité et de la mode, s’efforcent de travailler tout simplement du mieux qu’elles peuvent.

P comme Passion

On ne fait rien de durable sans passion. En réalité, on ne fait rien du tout sans passion.

Q comme Qualité

Un effort de tous les instants, une quête sans fin, un souci du détail maniaque… La qualité, c’est tout cela et, en plus, quelque chose de bien plus important: une promesse que nous faisons à nos clients et que nous tenons.

R comme Riviera

J’ai planté mes racines dans ce morceau de terroir méditerranéen. Ses paysages et sa lumière m’enchantent. Je suis tombé amoureux de ses fruits et de ses légumes que des agriculteurs opiniâtres arrachent à une terre parcimonieuse. J’ai aimé la saveur de ses poissons. J’ai découvert la richesse de ses recettes que les femmes se transmettent depuis toujours.

S comme Survivant

Survivre ne suffit pas. Il faut retrouver sa place et son rôle dans la société et, pour cela, il faut pouvoir se remettre à travailler. C’est une leçon que j’ai apprise et que je n’oublie pas.

T comme Transmission

Il y a du compagnonnage chez les cuisiniers. Tous les jours, dans les cuisines, les plus anciens enseignent aux plus jeunes. À partir de cette culture du partage, il faut aller plus loin. J’ai formalisé cette pratique et j’ai créé une véritable activité de transmission du savoir, avec de véritables centres de formation, en France et à l’étranger. De même, j’ai écrit des encyclopédies de façon à mettre mon savoir à la disposition de tous. Transmettre permet de mettre de l’ordre dans sa propre expérience. Et ça oblige à créer autre chose.

U comme Utile

La cuisine est probablement un des secteurs économiques où l’ascenseur social fonctionne le mieux. C’est même une activité capable de jouer un rôle d’insertion très efficace. En mars 2010, j’ai lancé une initiative qui s’appelle «Femmes en avenir». Elle s’adresse à des femmes qui se trouvent dans des situations personnelles très difficiles et consiste à leur faire préparer le CAP de cuisine en un an, en alternance, avec une embauche pour toutes celles qui décrochent leur diplôme. La cinquième promotion est en train de commencer son parcours. Toutes ces femmes montrent une motivation et un courage extraordinaires. Avoir une formation et un métier change leur vie. Parfois, la cuisine, c’est tout simplement utile.

V comme Vin

Les vins français sont les meilleurs du monde. On dira que je suis très chauvin, mais tant pis. Je le pense. Il y a quelques très bons vins ailleurs mais le vignoble français profite d’une situation exceptionnelle, de terroirs uniques et surtout d’un savoir-faire inégalé. Du coup, la gastronomie française a poussé très loin l’art d’accorder les vins et les mets. Le sommelier devient ainsi un véritable prolongement du cuisinier auprès des convives.

W comme Web

La Toile a changé mon métier à un point inimaginable. Aujourd’hui, un hôtel ne peut espérer fonctionner sans commercialiser ses chambres sur Internet, et même les restaurants se remplissent de plus en plus grâce à des réservations en ligne. En parallèle, la réputation des établissements se fait et se défait sur des sites et des blogs bien autant que par les traditionnels guides papier. Il y a des abus, voire des tromperies? Certes. L’adaptation demande de gros investissements? C’est certain. Mais des réponses existent. Nous, aubergistes et restaurateurs, devons travailler ensemble pour développer des réponses adaptées qui protègent notre indépendance.

Classé X

Heureusement, il n’y a pas de restaurants classés X! Mais il y a des produits qui ont (ou qui ont eu) une réputation flatteuse. Nous avons conclu un partenariat avec le Château de Versailles pour la fourniture exclusive des légumes du restaurant du Plaza Athénée. Alain Baraton, le jardinier en chef du Domaine, m’a raconté des dizaines d’anecdotes sur le sujet. Par exemple, les artichauts, introduits par Catherine de Médicis, ont eu un succès fulgurant en raison de leur supposée vertu aphrodisiaque.

Y comme Yeux

L’œil est un poste avancé du goût. Je passe donc beaucoup de temps avec les designers et les architectes pour créer l’environnement visuel de mes restaurants. Certains sont mes complices depuis de longues années, comme Patrick Jouin et Sanjit Manku qui ont revisité cette année le Plaza Athénée et exerceront également leur talent au Louis XV. Ou Pierre Tachon, qui a créé des objets de table spécialement pour certains de mes établissements.

Z comme Zen

J’ai rencontré il y a quelque temps un personnage tout à fait extraordinaire: Toshio Tanahashi. C’est un des rares spécialistes de la cuisine shojin, dont l’origine est chinoise mais qui s’est épanouie à partir du VIIe siècle dans les temples bouddhistes japonais. La dimension spirituelle de cette cuisine est très forte. Par exemple, non seulement elle interdit de manger de la viande mais, en plus, la consommation de légumes racines y est proscrite car, en arrachant une racine, on tue le végétal. Cette attitude est évidemment un peu extrême. Mais elle a, à mes yeux, une qualité essentielle. Elle nous pousse à réfléchir à nos propres comportements qui, à l’inverse, sont souvent trop insouciants à l’égard de la nature. Un peu plus de zen ne nous ferait certainement pas de mal.


Alain Ducasse en chiffres

En se faisant un nom, le gascon s’est aussi construit un empire. Essaimant son savoir-faire tant dans les livres que dans les écoles de formation ou les applis mobiles, monsieur Ducasse sait jouer avec un coup d’avance.

Plus de 6 000 heures de cours de cuisine et d’œnologie pour amateurs, dispensées chaque année en moyenne par l’école estampillée AD. Deux adresses à Paris: 64, rue du Ranelagh (XVIe), avec cave de dégustation, et au BHV Marais, 52 rue de Rivoli (IVe). Prix moyen d’un cours: à partir de 140 € pour les adultes et 90 € pour les enfants. Privatisation possible.

100 livres environ, publiés par Alain Ducasse Édition depuis sa création en 1999. Entièrement numérisé, le catalogue recense une vingtaine d’auteurs (Julie Andrieu, Pierre Hermé, Guy Savoy, Anne-Sophie Pic…), traduits en 10 langues et distribués dans 30 pays.

3 500 élèves s’inscrivent chaque année dans l’une des deux écoles de formation Alain Ducasse, l’une en arts culinaires (Argenteuil), l’autre en pâtisserie (Yssingeaux, en Haute-Loire). Celles-ci proposent une multitude de formules de 1 jour à 8 mois, diplômantes et professionnalisantes. Parmi les dernières en date: une formation spécialement dédiée aux chefs de yachts et leur équipage (coût: entre 940 et 1 940 € HT).

26 restaurants dans le monde (Londres, New York, Las Vegas, Monte Carlo, Tokyo, Osaka, Doha…), dont 10 à Paris: Alain Ducasse au Plaza Athénée, Le Relais Plaza, La Cour Jardin (dans le VIIIe), Le Meurice et Le Dali (dans le Ier), Le Jules Verne (2e étage de la tour Eiffel, dans le VIIe), Aux Lyonnais (dans le IIe), Benoît (dans le IVe), Allard (dans le VIe) et Rech (dans le XVIIe). Chiffre d’affaires global annuel d’Alain Ducasse Entreprise: 80 millions d’euros.

320m2 pour la Manufacture de chocolat à Bastille. Alain Ducasse, fan de fève, voulait pouvoir maîtriser la fabrication de ses crus cacaotés du début à la fin. C’est chose faite depuis février 2013, date d’ouverture de cette fabrique en plein cœur de Paris. Aux manettes, l’un de ses fidèles: Nicolas Berger, chocolatier-torréfacteur. 40, rue de la Roquette (XIe).

Et aussi…

18 étoiles au Guide Michelin ;

1 kiosque à choux (Choux d’Enfer) ouvert début 2014 avec le chef pâtissier Christophe Michalak dans le XVe ;

1académie du goût, encyclopédie culinaire en ligne avec, entre autres, des idées de recettes ;

applications iPad et iPhone, dont celle de Châteaux & Hôtels Collection ;

boutique en ligne vendant coffrets cadeaux, objets de table, livres, etc.

 Photo François Bouchon / Le Figaro

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