Gilles Pudlowski :  » À quoi sert vraiment un critique gastronomique ?  » pour la sortie de son nouveau livre – deux interviews -

03 sept 2011
Catégorie : Presse & Médias

Retrouvez une double interview de Gilles Pudlowski sur l’antenne de France Info par Philippe Vallet et sur Le Point, au sujet de son nouveau livre  » À quoi sert vraiment un critique gastronomique ?  » qui vient de paraître aux éditions Armand Colin. Vous y découvrirez quelques infos intéressantes sur le fonctionnement des critiques gastronomiques… Cliquez sur les liens ci-dessous !


PHILIPPE VALLET – 3 JUILLET 2011

À quoi sert vraiment un critique gastronomique ? – de Gilles Pudlowski est publié aux éditions Armand Colin (192 p., 12,90 €)

France Info : Le critique doit avoir un bon et juste coup de fourchette mais il doit aussi avoir une bonne plume. C’est ce qu’écrit le célèbre critique gastronomique, Gilles Pudlowski, dans son nouveau livre, une réflexion à la fois profonde et amusante sur un drôle de métier.

Gilles Pudlowski : Tout le monde s’imagine qu’un critique gastronomique est un rigolo, quelqu’un qui passe son temps à boire, à manger, à rigoler et à se taper sur les cuisses alors que pas du tout, c’est essentiellement un travail d’écriture, c’est un travail pour lequel il faut beaucoup d’abnégation, il faut être à distance avec son sujet.

France Info : Vous voulez dire que c’est un travail fatiguant ?

Gilles Pudlowski : C’est un travail épuisant, vous pouvez devenir mégalo alcoolo, obèse, stupide, tout ce que vous voulez.

France Info : Depuis quand y a-t-il des critiques gastronomiques ?

Gilles Pudlowski : Depuis le 18ème siècle, c’est Grimod de la Reynière qui est notre maître à tous qui imagine faire un guide de Paris qui serait, comme il le dit, un guide des plaisirs culinaires de Paris. En fait, on n’a rien inventé depuis Grimaud, nous sommes tous des fils de Grimaud. Sa gloire a été éclipsée par celle de Brillat Savarin qui a écrit un seul beau livre avant sa mort qui s’appelait « la physiologie du goût », avec quelques belles phrases. La plus connue étant « la découverte d’un met nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile », voilà, ça c’est une phrase qui reste car la gastronomie c’est l’art de parler la bouche pleine.

France Info : Y a une période de notre histoire où les critiques gastronomiques n’étaient pas vraiment des gens recommandables :

Gilles Pudlowski : Des gens qui effectivement avaient trempé sous l’occupation il faut dire la vérité, ce que j’écris d’ailleurs, la plus connue étant Robert Courtine qui écrivait sous le nom de La Reynière dans Le Monde dont Hubert Beuve-Méry disait : « c’est notre meilleur collaborateur ». Il fallait trouver en quelque sorte une fonction pour des gens de talent qui n’avaient plus le droit d’exercer ce métier pour des condamnations après l’occupation. Donc, effectivement, Courtine Georges Prat et d’autres se sont retrouvés à être gastronomes malgré eux.

France Info : Finalement quel est le rôle du critique gastronomique ?

Gilles Pudlowski : C’est quelqu’un qui vient là pour être l’ordre directeur du plaisir d’autrui, défenseur du consommateur, l’art de raconter, de faire saliver, magnifier la saveur d’un met, d’un mot, belle assiette, de provoquer une émotion chez le lecteur, c’est un métier qu’on pourrait presque classer.

France Info : C’est-à-dire qu’il y a presque une fonction patrimoniale ?

Gilles Pudlowski : Absolument, je crois que le critique sera celui qui fera que votre repas d’un soir deviendra un moment essentiel de votre vie.

Gilles Pudlowski :  » Être invité ne signifie pas être acheté « 

Le Point.fr –

À l’occasion de la sortie de son livre sur la fonction de critique gastronomique, le collaborateur du « Point » dévoile les coulisses de son métier. Interview.

Le Point.fr : Puisque c’est le titre de votre livre, « à quoi sert vraiment un critique gastronomique » (*) ?

Gilles Pudlowski : Quand j’ai annoncé à Christian Millau (cofondateur du guide Gault et Millau) que j’allais rédiger un ouvrage sur le sujet, il m’a répondu en blaguant : « Tu n’as qu’à rendre feuille blanche. C’est ça, la vraie réponse ! On ne sert à rien. » Plus sérieusement, je crois que je joue le rôle du consommateur. J’ai pour mission de rendre clair au client ce qui peut lui paraître diffus. Je traduis l’émotion du gourmet, j’aide l’épicurien à être heureux. L’ambiguïté de mon métier, c’est que tout le monde pense que je passe mon temps à manger, mais c’est tout sauf ça. Mes journées, je les consacre à écrire. Ce sont les travaux forcés du plaisir (rires).

Qu’est-ce qu’un bon critique gastronomique ?

C’est quelqu’un qui a le sens de la hiérarchie, qui possède assez de palais pour juger le bon restaurant du mauvais. Il faut tout dire, servir d’éclaireur, découvrir les grands de demain, aider le client à se perfectionner, à savoir où il met les pieds, à déchiffrer les pièges. On doit mettre le doigt sur ce qui ne va pas, sur les réputations galvaudées. Il faut avoir l’œil partout, car le diable est dans les détails. Cela ne fait évidemment pas plaisir à tout le monde. Dieu m’a mis sur terre pour être un emmerdeur, je suis un empêcheur de tourner en rond.

Lorsque vous réservez une table, le faites-vous sous votre identité ou de façon anonyme ?

Je réserve toujours à mon nom. Ça ne servirait à rien de le cacher, car ma tête est connue depuis 30 ans. Évidemment, je suis mieux accueilli qu’un client normal. Être incognito n’est pas un signe de compétence, ni une garantie. Pour réussir, il faut savoir bien manger et bien écrire. Ce sont les deux règles maîtresses.

Vous dites dans votre livre qu’il faut éviter le « copinage ». Comment réagissez-vous quand un chef vous fait cadeau de l’addition ?

Étant donné qu’aucun euro ne sort de ma poche car c’est mon journal qui me rembourse mes notes, quand le chef d’un restaurant 3-étoiles au Michelin m’invite, alors j’accepte. Ça ne signifie pas que je suis acheté. Le seul établissement de ce standing où je dois régler, c’est L’Astrance. De toute façon, c’est un faux problème. Le souci, ce n’est pas de payer ou non, le souci, c’est le lecteur. Il ne faut pas qu’il soit floué. Que je sois invité ou non, ça n’a aucune influence. Si je dois esquinter un établissement parce qu’il n’est pas à la hauteur, je le fais sans aucun état d’âme. Et puis, à ce que je sache, le critique de théâtre a toujours ses places offertes, celui de cinéma aussi…

Votre critique gastronomique la plus cinglante ?

Il y en a eu beaucoup. Si je dois en retenir une, c’est celle sur le restaurant que Régine avait ouvert à Paris. J’avais affirmé que le Saint-Pierre n’avait aucune saveur, que la cuisine était mauvaise et le décor de mauvais goût. Jacques Maximin, qui gérait le consulting à l’époque, avait confié à d’autres chefs qu’il voulait s’en prendre à moi. Quelque temps avant, je l’avais déjà égratigné sur sa cuisine au Negresco.

Arrive-t-il que vous puissiez parler d’un restaurant sans y avoir mangé ?

Je goûte toujours les plats d’un établissement avant d’en faire la critique. C’est la règle de base.

C’est la fin de la route. Vous avez une dernière table à faire. Seul ou accompagné, laquelle choisiriez-vous ?

Sans hésiter, j’irais au relais Bernard Loiseau (décédé en 2003), à Saulieu, avec ma femme ou mes enfants. Ce serait l’occasion de me souvenir des beaux moments que j’ai passés avec lui là-bas.

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