Les chefs de cuisine dans leurs jardins, les légumes stars des assiettes ! … Philippe Mille : « Chaque légume nous force à être réactif et créatif »

27 août 2015
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Tendances

F&S Alain Passard a lancé la tendance, ou plutôt l’a médiatisée, lui le grand rôtisseur déclare en 2011  » Le rapport avec l’animal, le sang, c’est épuisant « , quelques années avant il avait déjà créé deux jardins potagers, les légumes deviennent les stars des assiettes, on se prosterne devant eux, on les vénère, on part à la recherche de ceux que le commun des mortels avait oubliés.

Mais ce n’est pas nouveau dans les années 80, des chefs comme Michel Guérard montraient fièrement leur potager des Près d’Eugènie à Eugénie-les-Bains, quant à Michel Bras à Laguiole il imaginait déjà son gargouillou et parcourait son Aubrac natal à la recherche d’herbes sauvages et dénichait sur le marché de Rodez les plus beaux légumes paysans.

Depuis, de nombreux chefs ont créé leurs jardins et le font savoir, Yannick Alléno, Armand Arnal, Mauro Colagreco, Olivier Roellinger pour les plus connus… les potagers et jardins paysans font partie de l’ADN culinaire des chefs, d’autres chefs comme William Ledeuil, Pascal Barbot ou Pierre Gagnaire se servent  chez le jardinier japonais Asafumi Yamashita, quant au chef Alain Ducasse il a l’exclusivité des légumes du Jardin des la Reine de Trianon à Versailles pour son restaurant au Plaza Athénée.

Jusqu’à maintenant les chefs faisaient du jardinage, maintenant ils s’engagent pour la planète, le discours change.

Un exemple supplémentaire le chef Philippe Mille dans son jardin sur un article sur Le Parisien.

Philippe Mille

Cuisine : quand un chef étoilé s’engage pour la planète

Reportage à Reims, dans les pas de Philippe Mille, Chef deux étoiles Michelin, pour qui la clé du bien-être « responsable » est de manger de saison et de proximité.

8 heures du matin, Romain, village de la Marne situé à 20 kilomètres de Reims. Des champs s’étalent à perte de vue. Avec ses deux étoiles Michelin, on imaginerait davantage le chef Philippe Mille entouré de brillantes casseroles en cuivre, plutôt que serpentant entre des rangs de salades, tomates, courgettes, navets, carottes, oignons… « Je fais mon marché », lance-t-il.

Surprenant ? A ses côtés, Benoît Deloffre, 33 ans, maraîcher, comme son père et son grand-père avant lui. Mais sur ses terres, la production n’est pas identique à celle de ses aïeux. « Mon père faisait les marchés, indique Benoît. Il m’avait toujours dit de me méfier des restaurateurs car ils étaient «pénibles»… ».

La rencontre avec Philippe Mille a fait basculer son a priori négatif. Lorsque le chef du restaurant gastronomique du célèbre Domaine des Crayères de Reims est venu le solliciter, Benoît a écouté. Et la philosophie de Philippe Mille l’a séduit. Philosophie basée sur le manifeste des Relais & Châteaux pour cuisiner fruits et légumes de saison et de proximité.

Complicité

Visiblement, les deux hommes entretiennent une saine complicité. Sur la même longueur d’ondes, ils vivent en harmonie sur leur planète verte. Philippe Mille vient deux fois par semaine dans les champs, suivre les récoltes, l’évolution de la pousse des carottes ou vérifier la date à laquelle les tomates commenceront à mûrir : « Pas avant août ! lance-t-il. Celles que vous trouvez en GMS (NDLR, grandes et moyennes surfaces) sont cultivées hors-sol, dans de l’eau. Elles n’ont aucune saveur. Ici, elles sont rougies au soleil, la chair sera tendre et ferme. ».

Le maraîcher est habitué à goûter les plats préparés par le chef, comprenant mieux ainsi ses besoins en produits, notamment les miniatures, qu’il s’est mis à cultiver. «Des betteraves en cubes, en dés, ce n’est pas joli. Des navets non plus. Par contre en mini… ça change tout, avoue Philippe Mille. Le dressage dans l’assiette est plus harmonieux, c’est intéressant à cuisiner, très goûteux. On peut préparer les portions sans gaspiller».

photo anne emmanuelle thion

Green éthique

L’alchimie fonctionne parce qu’entre les deux, le dialogue est permanent. Il n’y a pas un chef qui donne des ordres, mais un duo qui s’amuse à chercher à travers le monde de nouvelles saveurs, de nouveaux produits, comme la laitue-asperge Celtuce. Par amour du bon et du beau.

Benoît Deloffre cultive une douzaine de variétés de carottes, blanches, oranges, ou simplement rosées, des kabus, navets japonais très ronds. «Chaque légume nous force à être réactif et créatif», insiste le cuisinier.

Au milieu des champs, des coquelicots, des fleurs et des herbes sauvages. le maraîcher n’utilise pas de produits chimiques et compte sur les coccinelles gourmandes de pucerons (50-100 jour/coccinelle). « Je préfère brosser un peu les fleurs de courgettes, mais au moins je sais qu’il n’y a pas de pesticides », indique Philippe Mille. Evidemment, avec un tel système naturel, il y a des pertes, compensées par le tarif obtenu par Benoît : « Le juste prix ».

En hiver, lorsque la récolte des potimarrons, courges, potirons et autres légumes d’hiver est terminée, ils passent des heures à scruter Internet, à commander des graines ici et là, notamment au Canada.

Les étoiles du Michelin ne se conquièrent pas uniquement par le tour de main en cuisine, mais se préparent aussi en amont. Un vrai travail d’orfèvres et de passionnés. Et un militantisme gourmand pour la préservation de la planète.

Copyright : © Anne-Emmanuelle Thion
Source : Le Parisien

Mots clés: , , , , , , , , , , , , , , ,

Laisser un commentaire