Michel Roth :  » La jeunesse actuelle veut arriver très vite, trop vite « 

02 jan 2015
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Presse & Médias

F&S  Nous continuons à vous reproduire les interviews du journal l’Humanité, commencés quelques jours avant les fêtes de fin d’année, le quotidien donne la paroles aux chefs … ! … Anne-Sophie Pic, Thierry Marx, Hélène Darroze… et maintenant l’ex chef du Ritz à Paris – Michel Roth -

Suivez l’entretient ci-dessous ou cliquez sur le link pour retrouver l’article original.

 

Michel Roth : «Du produit à la dégustation, la cuisine est une chaîne de passions»

Par Claude Baudry – photo Olivier Coret

Chef de tradition culinaire française, ouvert avec gourmandise sur les cuisines du monde, Michel Roth défend les 
idées de respect et de régularité. Pour faire briller les regards et ravir les papilles.

Roth

Comment, quand on est fils de cheminot, à Sarreguemines, devient-on chef des cuisines d’un palace comme le Ritz ?

MICHEL ROTH : Je ne savais pas, à quinze ans, que je deviendrais cuisinier. C’est mon père qui m’a dirigé dans cette voie. Il me voyait toujours dans la cuisine avec ma mère et ma grand-mère. Un jour, il m’a dit : « Tu vas faire cuisinier. » Il avait un ami chef et patron, monsieur Charles Herman, à l’auberge de la Charrue d’or, à Sarreguemines, qui est devenu mon maître d’apprentissage. Les premiers mois ont été très durs, je ne connaissais pas le monde du travail, ses horaires, ni les produits. Mais, avec la curiosité, le travail est devenu plus intéressant au fil du temps. Je me suis pris au jeu, j’étais bien quand je passais du temps en cuisine. Puis, j’ai rencontré monsieur Guy Legay. Il devait mesurer 1,90 m, sans la toque. Je n’avais jamais vu un col bleu blanc rouge de meilleur ouvrier de France. C’était impressionnant. En 1981, je suis entré comme premier commis au Ritz sous sa direction.

C’est à ses côtés que vous avez acquis la connaissance du produit ?

MICHEL ROTH : Cette connaissance, on l’acquiert à la fois dans la cuisine et en allant sur place. Quand on va voir un producteur qui est lui-même passionné, on comprend mieux son travail, on le respecte. Ces gens sont imprégnés. On a envie d’être à la hauteur du produit et même de l’emmener encore plus haut. La cuisine, c’est une chaîne de passions, du produit à l’assiette. Quand les gens dégustent le plat et ressentent quelque chose de plus, on a gagné. Ce n’est pas juste un mets que l’on doit préparer. Il faut parvenir à faire ressentir le produit, tout le travail qu’on a mis dans le plat. On dit souvent que la cuisine est éphémère, mais quand le souvenir d’un plat reste gravé dans la mémoire, c’est pour nous un grand plaisir.

Que pensez-vous du nouveau marquage des viandes dans la grande distribution ?

MICHEL ROTH : Je ne suis pas sûr du résultat. On risque de dévaluer des morceaux. Certains vont cuire plus ou moins longtemps : un bœuf braisé, un pot-au-feu, une daube, il n’y a rien de meilleur. Ces classiques de la gastronomie française dégagent les odeurs de la bonne cuisine. Dans notre vie moderne, elles manquent dans les maisons. Les plats tout prêts ont sans doute contribué à détourner les gens de la cuisine. À un moment, ceux qui travaillent ont choisi la facilité. C’est compréhensible. Mais aujourd’hui, ils s’intéressent de nouveau à la cuisine, au produit, prennent le temps d’aller au marché. Le succès des émissions à la télévision et à la radio en atteste. On redécouvre les légumes. Ce qu’on appelait les garnitures sont presque devenues le produit principal d’un plat. Les personnes d’un certain âge ont tellement mangé de topinambours durant la guerre qu’elles n’avaient plus envie de les cuisiner. Ça se comprend. Mais tous ces légumes d’autrefois, comme les topinambours, les rutabagas, font leur retour. Ils ont tous leur goût et sont tous bons. Il y a maintenant un mouvement vers les produits de terroir, de saison. Pour nous, cela permet d’avoir une diversité dans les plats, sur les cartes. Les légumes ont pris une ampleur nouvelle et c’est tant mieux. C’est grâce aux légumes, aux fruits, aux herbes ou aux épices que les chefs se démarquent, trouvent leur personnalité.

Vous êtes un chef de tradition ouvert sur les autres cuisines du monde…

MICHEL ROTH : Je suis originaire du terroir et mon parcours s’inscrit dans la tradition. J’y suis attaché. Mais j’ai aussi la chance de voyager, de goûter des produits différents, cuisinés autrement. Autant de mariages de goûts ou de saveurs que j’ai pu intégrer dans la cuisine que j’ai apprise. Par exemple, j’aime bien la cuisine japonaise, qui est une mise en valeur naturelle, peu assaisonnée, où le goût des produits prédomine. Pourtant, je suis très sauces, et content qu’elles reviennent à la mode. C’est la base de la cuisine française, elles ont fait sa réputation.

L’hôtel Ritz est fermé pour travaux depuis 2012. Y retournez-vous ?

MICHEL ROTH : Le Ritz est un peu ma maison, j’y ai gravi tous les échelons. J’ai beaucoup de respect pour cet établissement. S’il n’avait pas fermé, peut-être y serais-je encore. Mais cela m’a permis de découvrir une autre manière de voir les choses. Aujourd’hui, je peux m’exprimer autrement. Ma cuisine me ressemble plus. C’est pour cela que j’ai décidé de ne pas y retourner, il faut savoir tourner la page. À partir de 2015, je vais travailler avec la maison Lenôtre sur le côté formation, le savoir-faire, l’apprentissage du geste. La transmission est très importante. La jeunesse actuelle veut arriver très vite, trop vite. Mais en cuisine, si l’on veut atteindre l’excellence, il faut du temps et de la patience. Mon combat, pour reprendre le titre de votre série, c’est le respect et la régularité. Le respect, cela veut dire avoir la conscience du travail des autres, et la régularité, c’est la constance qu’il faut avoir tous les jours. C’est ce que j’essaie de transmettre aux jeunes.

 

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Un commentaire pour “Michel Roth :  » La jeunesse actuelle veut arriver très vite, trop vite « ”

  1. Montarou Gilbert

    05. jan, 2015

    Pour aller vite ! ils vont vite,mais ils ne connaissent des bases

    et produits que ce qu’ils travaillent dans leur environnement,cela permet aux GRANDS CHEFS d’etre secondés lorsque ils font les ambassadeurs: par des presques « robots »

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