Les choix politiques font mourir les métiers de l’artisanat …

22 avr 2013
Catégorie : Chefs, Presse & Médias

Vous êtes peut-être passé à côté d’une chronique de la journaliste Natacha Polony ( journaliste, chroniqueuse télé et spécialiste de l’éducation ) de ce samedi 20 avril sur quotidien Le Figaro, alors le Blog Pourcel vous l’a retranscrit … L’occasion d’analyser grâce à un témoignage du Chef Thierry Marx, les problèmes structurels d’apprentissages et de formations qui touchent le monde de l’artisanat, notamment la restauration.

Formation : quand un chef étoilé montre le chemin.

Deux informations sont  passées inaperçues ces derniers temps, alors que le monde politique et médiatique se passionnait pour le patrimoine des élus. Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, a supprimé la disposition mise en place en 2011, qui permettait à un jeune qui le désirait d’entrer en apprentissage dès 14 ans. D’un autre côté, Les Echos publiaient récemment la liste des métiers qui embaucheront en 2013 – qui, en fait, ont du mal à recruter : commis de cuisine, serveur, ouvrier agricole, aide aux personnes âgées…  Des métiers qui ne réclament aucune qualification, mais qui sont considérés comme pénibles, et n’attirent donc pas les 3 millions de chômeurs que compte la France.

Ces deux informations ont un lien entre elles, et c’est, paradoxalement, le chef étoilé  Thierry Marx, qui nous le fait comprendre. Il a fondé en 2012 une école de réinsertion pour former des commis de cuisine en trois mois, Cuisine, mode d’emploi(s). Une formation accélérée, exigeante, mais surtout gratuite. 80 gestes de base, 80 recettes, pour donner un bagage à des gens qui souhaitent se réorienter, ou qui avaient depuis longtemps décroché.

Mais il faut écouter Thierry Marx parler du métier, et des difficultés à le transmettre. La spécificité du secteur est bien entendu l’attrait que provoquent les émissions de télévision. Des centaines de jeunes qui ont passé leurs soirées devant ces jeux du cirque starisant en quelques semaines des cuisiniers amateurs ou de jeunes professionnels. Le chef du Sur-mesure, et jury de << Top Chef  >>, en sait quelque chose.

Les jeunes sont attirés par les paillettes, et s’enfuient en découvrant un métier exigeant, rigoureux, parfois dur, aux horaires éprouvants. La passion qu’il faut avoir chevillée au corps pour donner à manger n’a rien à voir avec l’envie de briller. Surtout, Thierry Marx explique comment son école, en plus d’enseigner des gestes techniques, reprend les bases, qui très souvent manquent aux jeunes stagiaires. En premier lieu la ponctualité. Et le chef le précise, on peut être généreux, vouloir offrir une seconde chance, et savoir que cela passe par la plus grande fermeté : au bout de trois retards, le stagiaire est renvoyé. Cette exigence bienveillante, c’est exactement ce qui a disparu depuis longtemps de la formation initiale des jeunes Français, dans un système éducatif maternant qui leur laisse croire que c’est au monde de s’adapter à eux.

Et puis il y a les choses simples. Savoir compter, calculer. Car les jeunes gens qui arrivent à Cuisine, mode d’emploi(s) sont très souvent incapables d’extraire 25 centilitres sur une bouteille d’un litre… Quant à l’écrit, il ne se porte guère mieux. Orthographe, grammaire sont des champs de ruine. L’apprentissage dès 14 ans, récemment supprimé, n’avait en fait pas été mis en œuvre. Les réglementations sur les outils dangereux sont telles que le nombre de patrons refusent les jeunes. Surtout, ils les trouvent trop immatures et mal formés, sans le minimum vital pour être efficaces dans un métier.

Il n’y a pas si longtemps, à la fin du XXe siècle, des jeunes gens pouvaient être motivés et apprendre un métier quand l’école ne leur convenait pas. Mais entre-temps, l’école à fait en sorte de ne même plus leur fournir le seul bagage qui leur soit nécessaire, l’écriture et le calcul, le sens du travail bien fait et le goût de l’effort. Thierry Marx, qui a grandi à Ménilmontant avant de devenir, entre autres, formateur dans des quartiers difficiles, estime que le décrochage s’opère dès 12 ou 13 ans. Mais lui ne peut intervenir que bien plus tard, et à sa seule échelle. Il a toutefois ouvert en 2013 une formation de boulanger, sur le même modèle. Parce que faire du pain, donner à manger, sont les meilleurs vecteurs de l’intégration, des générateurs de fierté. Mais l’observateur extérieur, s’il se réjouit d’une telle initiative, ne peut que se désoler de la voir réduite à la seule volonté d’un individu, quand c’est l’Etat qui devrait prendre conscience de ce qui se joue là. Les métiers de l’artisanat sont entrain de mourir, faute de candidats (en plus de crouler sous les charges et les normes). Mais c’est le fruit d’une idéologie et d’un système, c’est-à-dire de choix politiques.

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5 commentaires pour “Les choix politiques font mourir les métiers de l’artisanat …”

  1. Vanille

    22. avr, 2013

    L’apprentissage a toujours été le parent pauvre de l’éducation nationale, contrairement à l’Allemagne dont c’est un des fleurons, le résultat se suffit à lui même. Maintenir des gamins sur les bancs de l’école plus longtemps, c’est l’occasion d’augmenter le cheptel des enseignants et de faire croire qu’on réduit le chômage ! Le jour où nos politiques comprendront qu’il faut créer de la richesse et non des services pléthoriques n’est malheureusement pas encore proche. Nos enfants et nos petits-enfants en pâtiront.

  2. Jean-Louis

    22. avr, 2013

    Bonjour,
    Vous ne serez pas étonné que je ne partage pas totalement votre point de vue bien que je sois d’accord tout de même de vos constatations.
    L’Education Nationale a sa responsabilité dans l’écueil de nos jeunes, en effet comment savoir compter et écrire quand ces dix dernières années, en primaire, cette Education a supprimé 5h de Français et de Maths par semaine. Et surtout pourquoi les a-t-on supprimé. Interrogez-vous ?
    Mais d’un autre côté, ne demande t’on pas trop à cette institution ? Il y a très longtemps, les classes étaient homogènes, à savoir peu de différence d’éducation entre les élèves et dans une même classe (primaire) 2 ou 3 très bons élèves, 20 normaux et 2 ou 3 en grandes difficultés. Aujourd’hui il doit y avoir 5 à 6 niveaux, avec des parents parfois eux-mêmes limités, d’autres qui disent à l’enseignant, « faites ce que vous voulez nous on n’y arrive pas…. » !
    Remuez tous ces nouveaux paramètres et même un excellent « instituteur » pour employer un terme devenu désuet, ne peut offrir un niveau suffisant aux 3/4 de la classe.
    L’école n’est pas faite pour avoir un métier, mais pour vous faire acquérir un niveau d’intelligence ou de réflexion, vous permettant de vous adapter à un milieu professionnel rapidement. Hélas ce n’est plus d’actualité et des gamins en situation d’échec très trop, on leur dit tu ne feras rien tu seras cuisinier ou plombier…..et ils ne font rien. Disons leur « apprends pour connaitre, connais pour juger et tu verras qu’être cuisiner c’est formidable, tu sera créatif, tu évolueras, ton métier te permettra de t’enrichir de tes rencontres, tu seras fier de toi, et ton environnement aussi ».
    Prendre conscience de ses possibilités, vous évite de vouloir vous valoriser par de la violence ou autres méfaits.
    Après, reste les problèmes économiques et le possibilité de réduire les charges dans les métiers manquant de main d’oeuvre. Ces métiers étaient auparavant très bien payés, aujourd’hui ce ne plus être une source de motivation.
    Amicalement.

  3. Jean-Louis

    22. avr, 2013

  4. Alex Gastronome Parisien

    29. avr, 2013

    « L’école n’est pas faite pour avoir un métier, mais pour vous faire acquérir un niveau d’intelligence ou de réflexion »

    Tout le drame de notre système éducatif résumé en une seule phrase. Tant qu’on raisonnera comme ça, l’éducation nationale ne sera qu’une usine à chomeurs.

  5. Gérard

    23. avr, 2016

    Génération Mitterand, le résultat est dramatique, notre social est dramatique résultat d’une politique de clientélisme ……

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