Casseroles … Pour l’Express

23 jan 2013
Catégorie : Non classé

Le blog Pourcel continue à se faire l’échos de l’actualité de l’univers gastronomique, alors on peu acquiescer ou totalement rejeter l’avis ou les analyses des médias, mais la meilleure façon de se faire une opinion personnelle, c’est d’en prendre connaissance.

À consommer toutefois avec modération.

Lisez, observez sur le site de L’Express Style, pour obtenir l’article en entier et les photos qui l’illustre, cliquez sur les Link où lisez ci-dessous. Vous pouvez aussi tout simplement retrouver l’article sur le magazine L’Express de la semaine.

 

Les sept casseroles du Guide Michelin

Par François-Régis Gaudry et Jörg Zipprick, publié le 22/01/2013

Réputés indépendants et anonymes, les goûteurs du célèbre guide ne sont plus, souvent, ni l’un ni l’autre. L’Express Style soulève le couvercle de curieuses pratiques.

Le précédent record avait été établi en 2002, lorsqu’un guide rouge 1900 avait été acquis pour 12.500 euros par le restaurant lyonnais La Rotonde.

Reuters

Il terrifie les chefs cuisiniers et fascine le grand public. On l’imagine en expert déguisé tantôt en touriste américain à chemise hawaïenne, tantôt en veuve épleurée avec seringues dissimulées sous la veste, comme dans L’Aile ou la Cuisse, le film de Claude Zidi.

L’inspecteur Michelin a façonné le paysage gastronomique français depuis que le fabricant de pneus de Clermont-Ferrand eut l’idée, au début du XXe siècle, d’éditer, une bible rouge indiquant les garagistes, les dépôts de carburant ainsi que les meilleurs hôtels-restaurants à l’attention des premiers aventuriers de l’automobile. Et si cet agent secret des assiettes est une figure hautement respectée, c’est qu’il est réputé indépendant, intègre et anonyme.

Jean-Luc Naret, à la tête des guides Michelin, le dérapage déontologique s’amorce.

AFP

1. Le virage déontologique opéré par Jean-Luc Naret

Bibendum a opéré un virage éthique depuis 2004. C’est l’année où Jean-Luc Naret est parachuté à la direction des guides Michelin. Teint halé, costumes de bon faiseur, montre et boutons de manchette qui brillent, cet ancien cadre de l’hôtellerie de luxe aux faux airs de Berlusconi entend glamouriser le guide de Clermont-Ferrand connu pour sa discrétion et son conservatisme.

Il internationalise le guide à coups d’éditions étrangères lancées à grands frais. Il prend la pose pour le consumer magazine Nespresso: « Je vais régulièrement à la boutique Nespresso située rue du Bac, près de chez moi, pour faire le plein de capsules Roma (pour débuter ma journée) et Ristretto (après chaque repas). Adepte de Nespresso depuis ses débuts, j’ai acquis au fil des années plusieurs machines! »

2. Un logo qui rapporte gros

Mieux, Jean-Luc Naret n’hésite pas à nouer des partenariats pour créer des produits dérivés ou monnayer le logo du guide, une pratique jusqu’alors taboue dans la maison.

A l’époque de Bernard Naegellen, directeur historique du guide, les restaurateurs étaient informés par le questionnaire Michelin que « nous ne délivrons pas de panonceau et vous prenez l’engagement de ne faire, sous aucun prétexte, sous aucune forme, mention de notre recommandation. » Maintenant ils peuvent payer leurs panonceaux et étoiles à visser pour le front du restaurant.

Jean-Claude Vrinat, propriétaire de la maison Taillevent, aujourd’hui décédé, a commenté cette offre sur son blog: « …quand vos inspecteurs viendront visiter nos maisons, ils se rendront bien compte de la présence ou de l’absence de cette marque de reconnaissance! Quelle sera leur réaction envers ceux qui n’auront pas accepté votre aimable proposition? »

Autrement dit: beaucoup de restaurateurs et chefs se sentent obligés d’accepter tout offre de Michelin, car la peur des représailles règne.

Michelin, c’est le guide qui compte, quitte à accepter de baisser ses prix pour participer au « printemps du Michelin », qui offre des menus à prix réduits, ou de la rebaisser pour inclure son établissement dans un coffret « Wonderbox » avec le souriant Bibendum, le logo de la marque. Ces coffrets cadeau « tables gourmandes Michelin » (59,90€), « restaurants coup de coeur Michelin » (99,90€), voir un coffret cadeau « tables d’excellence Michelin » (149,90€) représentent une vraie perte de chiffre d’affaires pour les restaurateurs, car Wonderbox « se sert en premier » avec environ 30% du prix du vente -et ni la Fnac, ni Monoprix distribuent ces coffrets gratuitement. Un courrier officiel du guide incitait par exemple les restaurateurs Italiens de « devenir partenaire Wonderbox ».

3. Colette Poupon: la compagne du directeur devenue « consultante gastronomique »

Aux nombreux journalistes avec lesquels il tisse des liens Jean-Luc Naret oublie de révéler l’essentiel: sa proximité avec les grands chefs, qu’il a côtoyés pendant sa carrière et dont il tire quelques avantages… Pendant son mandat, son fils Thomas décroche un stage en restauration à la Bastide de Moustiers, un établissement appartenant au multi-étoilé Alain Ducasse, tandis que, en 2010, sa compagne, Colette Poupon, lance Co&Cie, une agence de conseil et de création de site web orientée vers la haute cuisine.

Cet ex-mannequin s’est converti dans la gastronomie après avoir fait la connaissance de Jean-Luc Naret. Ainsi se présente-t-elle sur son site Internet: « Colette Poupon accompagne des chefs dans leur processus créatif, en décrivant à chaque étape de sa mise au point l’expérience gustative. » Seul problème: dans son carnet de clientèle figure un certain Joël Robuchon. Pendant que Naret attribue les étoiles, elle conçoit le site internet du chef aux 28 macarons Michelin à travers le monde. Curieux mélange des genres…

4. L’indépendance des inspecteurs en question

En tant que chef des inspecteurs Michelin, Jean-Luc Naret diversifie le casting. Il fait appel à Emmanuelle Maisonneuve, une ancienne employée du groupe Alain Ducasse ou encore à Willy Grévin, ancien directeur du château d’Audrieu, un hôtel du Calvados à la table étoilée, rejoignent les rangs du guide. Ces trois nouvelles recrues ont en commun d’avoir eu à juger leurs ex-employeurs, copains ou concurrents. Mais le cas de Juliane Caspar, embauchée par Jean-Luc Naret au poste de directrice du Guide Michelin France, est encore plus parlant.

Ex-maître d’hôtel au restaurant Vendôme à Bensberg, près de Cologne, cette nouvelle recrue d’origine allemande occupa juste avant le poste de directrice du guide Allemagne. Curieuse coïncidance: Joachim Wissler, ancien patron de Caspar au restaurant Vendôme, a été couronné de trois étoiles au moment où elle devenait directrice.

Pendant des années, Caspar a donc « étoilé » son ex-employeur… Dans le journal des restaurateurs d’Outre-rhin, AHGZ, Wissler se payait même le luxe de fanfaronner: « Cela démontre que nous disposons d’un solide bonus de confiance chez Michelin ».

5. La fin de l’anonymat des inspecteurs

Depuis toujours, la déontologie Michelin est stricte: « tout inspecteur réserve une table sous un nom d’emprunt de façon à déjeuner ou dîner incognito », se plaît à répéter la direction de Michelin à longueur d’interviews. Force est de constater que l’anonymat n’existe plus.

Les inspecteurs disposent d’une « Carte d’identité Michelin » qu’ils montrent à la fin de chaque visite. Tout chef qui se respecte collectionne ces données ainsi que d’éventuels pseudonymes et le numéro du portable utilisés lors de la réservation pour les échanger avec ses confrères. Des véritables annuaires Michelin circulent dans la profession, les plus élaborés sont en format Filofax et listent plusieurs générations d’inspecteurs.

GMag, un bimestriel spécialisé dans la gastronomie -en kiosques depuis le 23 janvier 2013- brise l’omerta. Dans une enquête édifiante intitulée « Bibendum, le mangeur démasqué », le magazine publie la liste nominative des inspecteurs « anonymes » qui contrôlent la sélection d’adresses du fameux guide depuis 2010.

Mieux encore, des photos des inspecteurs circulent sous le manteau. Certaines ont été prises à l’occasion d’un séminaire regroupant les fines gueules de Bibendum à la table de l’Hôtel Normandy à Deauville. Pour ce qui est de la discrétion, on peut faire mieux…

6. Le Guide Michelin ne se vend plus si bien

Livre hebdo, source indépendante, estime les guides Michelin vendus en 2010 à 107.000 exemplaires. C’est 22% de moins qu’en 2009. A titre de comparaison: Il y a douze ans, l’entreprise vendait 500.000 guides par an. Les ventes du guide Michelin ne cessent de s’éroder, même si l’entreprise tente de gonfler les chiffres par tous les moyens. Sur le site Internet Vente privée, on bradait en juin 2012 le guide 2011 pour 7 Euros au lieu de 24.

7. Une révolution numérique contestable

Autre épine dans le pneu de Bibendum: Internet. Naret parti à la fin de 2011, c’est son successeur Franco-Américain Michael Ellis qui négocie la virage numérique. Pour contrebalancer les ventes en berne de son guide papier en librairie, le nouveau directeur a lancé l’an dernier Michelin Restaurants, un nouveau guide en ligne s’apparentant à des « pages jaunes » de la gastronomie.

Ce site répertorie la sélection d’adresses validées par le Michelin et propose à tout restaurateur, même recalé du choix officiel, d’acheter, moyennement un forfait de 69€ par mois, un « pack de visibilité ». Soit un mini-site avec photos, menus détaillés…

Comment les chefs, activement démarchés par les commerciaux de Michelin, ne se sentiraient-ils pas contraints d’acheter leur présence sur le web de peur d’être sanctionnés par les inspecteurs qui testent les adresses?

A ce jour, 20.000 restaurateurs auraient cédé à la tentation…soit quatre fois plus d’adresses que dans la sélection du guide papier. Le chef n’est plus un sujet du guide; il est devenu son principal client.

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