Distingué, étoilé, noté, médaillé, célébré… quels sont les codes de la réussite ?

19 mar 2011
Catégorie : Tendances

Est-ce que l’on est intelligent parce que l’on a obtenu des diplômes ? Est-ce que l’on est plus méritant parce que l’on porte des médailles ? Est-ce que l’on est plus efficace et performant lorsque l’on est titré ?

Sans vouloir casser un mythe, le propos est une vaste question a qui semble ne s’appliquer aucune règle précise, si ce n’est peut-être celle de la recherche de reconnaissance. On peut avoir l’intelligence du savoir et pas celle de la vie, on peut porter des médailles et ne pas être respectable, on peut être reconnu et piètre personnage… Les exemples ne manquent pas. Alors, lorsque l’on réduit le sujet à l’univers des chefs et de la cuisine que nous connaissons particulièrement, cela peut être évoquant.

Est-il possible de noter les compétences ? Faut-il être étoilé pour être un grand chef ? Est-on un grand chef lorsque l’on gagne des concours ?

Les compétences techniques, la volonté de parvenir, la reconnaissance des pairs, sont autant de moteurs pour avancer professionnellement, surtout en gastronomie, mais de nos jours, ces éléments ne sont plus forcément l’assurance de réussir. Ce qui créera la réussite, c’est le  » petit truc  » en plus, le déclic qui fera dire  » ce chef est génial « , l’idée qui renversera une tendance…

Séduction et maestro des fourneaux

Remarquons que d’autres qualités personnelles sont nécessaires pour réussir, comme par exemple, une bonne dose de créativité, beaucoup de charme, énormément de charisme, de l’assurance en soit… alors, vous transformez le savoir en séduction, et vous changez les règles du jeu.

Autant l’insuffisance de compétences techniques justifie en majorité les échecs, le contraire peut aussi se révéler une règle lorsqu’une personne remarquable pêche par excès d’intelligence et de savoir.

Comment des chefs, parfaits techniciens, ne parviennent-ils pas à faire de leur table un succès, alors que d’autres moins perfectionnistes sont des vrais stars du fourneau ?… Difficile d’apporter une réponse, mais certainement avec moins de technique, et avec plus de génie !

Les qualités humaines et les compétences comportementales sont des déterminants de la réussite professionnelle, elles le sont même avant les diplômes et les récompenses. Pour un chef, la qualité de son rapport à lui-même et de ses rapports aux autres, sont souvent des avantages compétitifs décisifs, elles ne se rajoutent pas aux aptitudes techniques, elle les multiplient.

Les médailles et les récompenses sont souvent la résultante d’une performance à un moment donné. Gagner un concours, réussir un diplôme, obtenir une étoile, être noté ou classé, ce n’est en aucun cas une affirmation d’une valeur humaine ou professionnelle, mais une qualité reconnue et célébrée à un moment donné, la naissance d’une réputation, qui n’est pas d’ailleurs forcément justifiée.

Trouver une autre lecture

Prenons par exemple  » les étoiles « , au fil des décennies, on se demande si les étoiles appartiennent encore au guide qui les décerne, ou si elles font définitivement partie du patrimoine culturel de la gastronomie française, certains pensant même que la gastronomie sans étoile disparaîtrait !

Ces fameuses étoiles, retirant aux chefs leur place au soleil quand elles ne brillent plus, sont un phénomène unique au monde, une notation telle une cotation boursière, une étoile en moins et la côte baisse… ne perd t-on pas certains fondamentaux ? Un chef serait-il meilleur avec une ou plusieurs étoiles ? Les sanctionnés seraient-ils moins fréquentables ? Les étoilés seraient-ils supérieurement doués ?

Le système ainsi fait, et a du mal à trouver une autre fondation. Un guide, a pour origine l’idée de guider les clients vers les bonnes tables, non pas de noter, on y perd trop souvent le sens originel. Les questions trouvent leurs réponses dans l’assiette, n’est-ce pas le  « plaisir »  l’essentiel ? … en tout cas celui d’où décline la satisfaction !

Aujourd’hui, certains grands établissements ont les étoiles et les toques, mais pas les clients ! D’autres encore n’ont pas les étoiles, mais leurs salles de restaurants pleines. Donc, encore une règle faussée, les notes et les étoiles sensées remplir les bonnes tables ne s’appliquent plus comme une évidence, l’atmosphère et l’ambiance peuvent être plus importants que la créativité de la cuisine..

D’ailleurs, le phénomène de la Bistronomie a changé la face du marché. On ne compte plus les bistrots où l’on mange mieux et avec plus d’appétence que dans des restaurants notés et classés. Souvent, les tables étoilées sont empêtrées dans des codes historiques lourds. La nouvelle génération a introduit la décontraction et devient complètement décomplexée, ce qui ouvre une nouvelle voie à plein de jeunes chefs.

Sans rejeter les distinctions, ces jeunes chefs ont tendance à ne plus adhérer au système, souvent trop long à réagir aux changements, ils ont tendance à rechercher une autre lecture. L’arrivée de l’internet tend à classifier par catégorie, par destination, par prix,  plutôt que part valeur ou par note. Comment peut-on croire que l’on est toujours au top de la cuisine 20 ans durant, ou au contraire, comprendre que l’on puisse être bloqué à une note pendant de longues années alors que l’on sert une cuisine follement actuelle ?

Se construire une carrière

Un autre exemple, les cols bleu blanc rouge qui sont la fierté de nombreux chefs, cette distinction suprême qui a fait verser tant de larmes, renverser tant de carrières, et fait vibrer tant de chefs… D’ailleurs, de nombreux grands chefs aux carrières exemplaires, dont beaucoup de triples étoilés, sont auréolés de leurs vestes de cuisine au col tricolore. Une fierté nationale, la grande messe de la cuisine française.

Une reconnaissance considérée de haut niveau, à tel point, qu’aujourd’hui, on spécule même sur cette distinction qui va permettre à un statut professionnel de prendre de la valeur. On stratège pour construire sa carrière et notamment à l’international, après l’obtention d’étoile, l’obtention du titre de MOF (Meilleur Ouvrier de France), titre ô combien méritoire, seraient-il le sésame au succès ?.

C’est un concours précis, à un moment précis, relevant d’une performance professionnelle précise ! Par exemple lorsque l’on est Meilleur Ouvrier de France, on l’est à vie, la distinction note le mérite. Avoir un chef au fourneau affichant des médailles, ce n’est en tout cas pas pas l’assurance de faire une expérience remarquable. Il faut être clair, cela n’enlève en rien la performance du concours, mais être titré ne donne pas une certitude d’être un bon chef.

Modestie et passion

Alors dans tout cela, la réussite est elle secondaire ?… Il faut bien arriver à donner une lecture rationnelle au sujet, restant persuadé que c’est dans l’échange que l’on développe le talent, dans la culture que l’on progresse, dans le savoir-vivre et la modestie que l’on se construit, dans l’émotion que l’on vibre, dans le don de sois que l’on évolue.

Avant tout la passion comme chemin à suivre …


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